top of page
  • Photo du rédacteurRemi

7 - TÉMOIGNAGES Marina & Isabelle

Dernière mise à jour : 10 sept. 2021


Illustration @mehdi_ange_r (INSTAGRAM)

Marina 40 ans , Paris

Vous avez déjà eu ce sentiment où le sol s’ouvrait sous vos pieds et que vous étiez happés vers le fond ?

Ce sentiment où rien ne sera plus pareil…

Quand mon frère m’a annoncé être homosexuel, ce ne fût pas le scoop de l’année. J’ai pris cette nouvelle comme si il m’annonçait aller chez le coiffeur. Pour moi rien ne changeait.

Forcément ce ne fût pas aussi facile pour certaines personnes qui assimilaient l’homosexualité au VIH, au SIDA… Personnellement, je n’ai jamais pensé que ce virus était la maladie d’une communauté en particulier…

Ce jour de novembre 2008, quand j’ai reçu l’appel de mon frère, j’ai tout de suite senti à sa voix qu’il se passait quelques choses. Il m’a juste dit « Mari, j’ai fait un test »… c’est marrant comme dans certains moments, on a un sixième sens. Je lui ai dit « merde c’est positif ». J’ai pris mes affaires et suis partie du travail pour le retrouver chez lui.

J’ai fait un test… des tests, y en a des milliers. Pourquoi penser à ce putain de test « VIH » … qui sait…

J’ai appelé mon mari pour l’aviser et il m’a demandé si je voulais qu’il me rejoigne. Je lui ai dit oui. J’avais besoin de le savoir auprès de nous dans ce moment. Je savais qu’il ne dirait rien mais sa présence me rassurait et montrer à mon frère qu’on était là pour lui.

En fait non, à ce moment je ne pensais pas du tout à ça… bref ce n’est qu’un détail.

J’ai retrouvé mon frère à son appart. Je l’ai pris dans mes bras et je l’ai rassuré comme j’ai pu. Il fallait encaisser et digérer la nouvelle et à chaud ce n’était pas évident. Plein de questions nous passent par la tête… sans réponse.

Le « comment » est venu sur le tapis mais c’était si peu important qu’on est passé au « et maintenant » ? Et maintenant on faisait quoi… pour nos parents et notre sœur on a décidé de leurs dire de vive voix et ça serait à noël. Vous imaginez le cadeau émotionnel…

Et pour le reste…C’était quoi être positif ? C’était quoi la procédure ? C’était quoi la suite…

Après une soirée irréaliste avec les amis de mon frère entrecoupée de rires, pleurs, hachis Parmentier… nous sommes rentrés. Dans la voiture, on a parlé que de « ça » avec mon mari. C’était plus fort que moi, je me disais « mais comment il a pu faire preuve d’autant d’imprudences » ? Je peux le dire maintenant, je lui en ai voulu de nous infliger cette épreuve. Réaction purement égoïste mais c’était mon sentiment… je pensais à la réaction de mes parents (de ma mère surtout), de ma sœur… Puis je me suis ressaisie en me disant que mes états d’âme n’étaient pas primordiaux. Le plus dur était à venir, le plus dur pour lui. C’était à mon frère que je devais penser.

Dans les jours qui ont suivi, je me suis posé beaucoup de questions. C’était quoi être positif ? Comment on pouvait vivre avec le virus ? Le traitement ? Les relations avec les autres ? J’avais besoin de réponses et c’est auprès de l’association AIDES que je les ai trouvées. J’avais pris rendez-vous avec un bénévole et j’y suis allée un après-midi après le travail. On a parlé de tout ce qui me préoccupait. Les préjugés, les clichés, les peurs, le rejet, le traitement… J’ai vidé mon sac devant un inconnu et celui-ci a fait preuve de beaucoup de bienveillance. Je suis repartie apaisée et rassurée.

Non mon frère n’allait pas mourir. Non il ne serait pas une pâle copie de Tom Hanks. Oui il sera heureux, aura une vie remplie d’amour…

Rentrée à la maison, j’ai tout mis en note.

Les semaines suivantes sont passées avec des hauts, des bas, des colères…

Mon frère était très entouré par ses amis qui avaient leur propre approche de la situation, leurs propres idées sur les démarches à suivre…

Quand j’y repense maintenant cela me fait sourire, mais à l’époque les naturopathes, les médecines parallèles me sortaient par les yeux. Je ne m’étais jamais posé la question sur l’efficacité de l’homéopathie ou autre…. Et je ne pouvais pas laisser mon frère croire que manger des graines et arrêter les laitages allaient le guérir.

Bien-sûr je caricature la scène mais vous voyez l’idée… Pour moi seuls la science et les protocoles classiques pouvaient neutraliser sa saloperie. J’ai peut-être été un peu directive sur le sujet mais il était hors de question de laisser mon frère espérer un miracle…

Je me sentais responsable de lui. A ce moment-là, notre famille n’était pas au courant et je m’étais mis la pression… il fallait que quelqu’un reste rationnel et cohérent.

Avec du recul, je pense que mon frère avait besoin de se raccrocher à n’importe quoi.

Si seulement boire une tisane de plantes pouvait venir à bout de ce virus…. Mais malheureusement…

Puis le moment de l’annonce est arrivé. Noël, les fêtes, les cadeaux, mes rires… avec l’estomac noué en me disant qu’on allait tout gâcher. Je savais que mon frère n’aurait pas la force de parler. Il fallait que je le fasse pour lui, pour nous. J’avais mes notes avec moi. J’ai tout sorti… une délivrance. Je ne sais pas comment ils ont vécu ce moment, on n’en a jamais reparlé. Je pense les avoir rassurés avec « mes notes », avoir répondu aux questions avant même qu’ils ne se les posent. Encore une fois Notre famille a été formidable et a démontré qu’on était unis et forts. Rien ne pouvait la briser et encore moins cette saloperie.

10 ans plus tard, nous avons sacrément évolué. Malheureusement pas tous à la même vitesse. Ce qui a été « positif » pour notre famille n’est pas une évidence pour tout le monde.

La peur de l’inconnu, le rejet de l’autre, l’ignorance, l’indifférence font et feront toujours des victimes. Comment peut-on encore en 2018 accepter que les séropos se sentent seuls, s’excusent d’exister, se cachent, se dissimulent, paraissent au lieu d’être, veulent disparaître pour ne plus faire semblant…

Les seuls qui devraient avoir honte, sont ceux qui rejettent, qui abandonnent, qui délaissent. Ils sont certes Négatifs, mais finalement c’est leur vie entière qui est NEGATIVE.

Je suis de nature optimiste et j’espère que la sérophobie tout comme toutes les phobies de l’autre finiront par disparaitre.

J’ai envie d’être POSITIVE.


Isabelle 43 ans, Vienne

25 décembre 2008.

Il est tard, je rentre du boulot après avoir travaillé 3 jours non-stop et nous fêtons noël, cette année c’est à la maison, quelle joie d’être en famille ....

Et puis je crois qu’il était à peu près 20h et tu as tenté de nous parler à maman papa et moi sans y arriver.... Mari prend le relai et lâche la nouvelle.

Rémi est séropositif !

Je m’entends hurler, je te serre dans mes bras, je pleure et j’écoute... Mari parle, elle nous explique, tout va bien...

Ah bon !!! Putain non ça ne va pas là !!!

Mais si ! elle persiste, je vous écoute toi et Mari et petit à petit la panique me quitte, tu ne vas pas mourir, il existe un traitement, tu vas vivre et aller bien, ça va prendre du temps mais tu vas vivre.... J’ai peur en vrai, je t’aime tellement que j’ai une trouille bleue.

Je rencontre ton médecin à Paris et elle nous explique le processus, la trithérapie, ce que ça va impliquer pour toi mais elle est rassurante, tu vas vivre et aller bien... J’en pleure punaise !! Quel soulagement ! Ton médecin lève le voile sur la maladie, nous permet de comprendre que nos peurs et nos préjugés sont infondés, et du coup la peur s’en va. Bon en vrai elle est toujours un peu là mais j’ai confiance. Confiance en ton médecin, après tout c’est son job ! Elle, elle sait donc je la crois.

J'ai confiance en toi, tu es fort, tu doutes, tu souffres mais tu es fort ! Au fil des ans, je me rends compte que j’y pense de moins en moins, de temps en temps je m’insurge contre des idiots et leurs préjugés et je me fais un devoir de leur montrer leur ignorance, j’élève mes enfants, tes neveux, dans la tolérance et je me dis que ça fonctionne car ils t’aiment comme des fous. Je leur apprend la vérité sur ta maladie mais surtout je leur explique de ne jamais réduire les gens à une infime partie d’eux-même mais de les aimer pour leur globalité ou pas. Tu es un être merveilleux et je souffre de l’ignorance de certain qui te fait du coup souffrir toi. Ta démarche avec ce blog est je suis sûre un exutoire mais aussi une volonté de mener le plus possible à une prise de conscience, il est intolérable de rejeter une personne pour une infime partie d’elle quand c’est un être merveilleux dans son ensemble ! La peur, voilà ce qui selon moi peut expliquer le rejet mais alors ne vaut-il mieux pas se renseigner, écouter les vérités et faire confiance. Merci à ce médecin que j’ai rencontré ce jour-là, elle a su m’éviter d’avoir peur.

Je t’aime.

482 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

LE TEMPS

N’est-il pas venu le moment de faire un bilan ? Vous le savez, si vous me lisez depuis longtemps, que j’aime bien faire des points d’étapes. Quoi de mieux que de se saisir de cette fin d’année 2021 po

MERCI

bottom of page