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29 - TEMOIGNAGE - Camille

Dernière mise à jour : 23 sept. 2021


Je vous partage aujourd'hui le récit de l'une des personnes que j'ai la chance d'avoir dans ma vie, le but étant de montrer qu'être séropo à forcément un impact sur l'entourage de celles et ceux qui le sont. Camille se raconte (nous raconte) et je trouve que son témoignage résume assez bien les raisons qui me poussent à m'exprimer.

Merci pour cette belle déclaration d'amour.



Camille, 31 ans, Paris

J’ai rencontré Remi à l’automne 2010. J’étais vendeuse dans une boutique de mode, Remi y était Visual Merchandiser. Nous n’étions pas spécialement proches, nos missions différentes et nos horaires parfois décalés ne nous permettaient pas de développer de tels liens, mais nous nous entendions bien et je me sentais en confiance avec lui : professionnel, passionné, mais surtout doux, bienveillant, drôle… Il a quitté ce travail du jour au lendemain, quelques mois après mon arrivée, et je me souviens avoir été un peu triste qu’il parte sans dire au revoir.  Quelques semaines après son départ, Remi a publié sur Facebook un post qu’il avait appelé “coming out” et dans lequel il expliquait qu’il était séropositif depuis quelques années. Et là je suis un peu tombée de ma chaise. Parce que pour moi, être séropositif c’était être super malade, et je n’avais pas le souvenir que Remi “faisait malade”. Je faisais bien la distinction entre VIH et SIDA, mais je pensais que l’un amenait obligatoirement l’autre, et donc qu’une fois que le “processus démarrait” ça devait forcément se voir physiquement. Voilà, je faisais partie de ces personnes-là, comme l’immense majorité des personnes sur cette terre malheureusement.  J’ai été particulièrement touchée par ce “coming out”, j’avais trouvé la démarche incroyablement courageuse et humble, alors j’ai écrit un message à Remi, juste pour lui dire que ça m’avait touchée. Il m’a répondu, on s’est envoyé quelques messages, et puis on s’est dit qu’il fallait qu’on prenne un verre.  Nous nous sommes retrouvés à une terrasse d’un café de la rue de Bretagne, et là il m’a expliqué ce que ça voulait dire, médicalement parlant, d’être séropositif aujourd’hui : le traitement, les effets secondaires, la charge virale indétectable… J’ai compris ce jour-là que les traitements permettaient de contenir le virus, comme s’ils le piégeaient dans une minuscule boîte pour l’empêcher de nuire au corps du porteur et à celui de ses partenaires. J’ai compris que ces médicaments magiques étaient aussi très lourds, et qu’à cette époque Remi avait un traitement qui le rendait malade, lui donnait mal au ventre, l’épuisait.  Remi m’a aussi parlé des conséquences sociales que cela impliquait : jugement de certains membres de l’entourage, potentiels partenaires sexuels/amoureux qui partent en courant… J’ai compris à quel point c’était difficile pour lui de savoir quand et comment l’annoncer, et parfois même s’il fallait le faire ou non : mieux vaut expliquer à son employeur qu’on est séropositif et que le traitement nous rend très souvent malade, et donc risquer de se confronter à une éventuelle discrimination, ou mieux vaut plutôt ne rien dire et les laisser croire qu’on est un employé pas très fiable qui s’absente régulièrement sans donner de raison valable ?  Ces questions semblaient hanter Remi : à qui je dois le dire, à quel moment, de quelle manière ? Je pense qu’il essayait un peu tout à l’époque, il variait les techniques, et malheureusement il n’y en avait pas forcément une qui marchait mieux que l’autre : quand les gens ne sont pas éduqués sur cette question, il y a de grandes chances qu’ils réagissent mal. Et à chaque fois, le moral et peut-être même la confiance de Remi prenait un coup supplémentaire.  Ce café a sûrement ouvert une nouvelle page de ma vie : une vie où je comprends ce que signifie être séropositif aujourd’hui, une vie où je peux désormais instruire les gens autour de moi (“Je t’assure que tu ne risques pas d’avoir LE SIDA en embrassant ton copain qui s’est brossé les dents avec la brosse de sa tante séropositive”... véridique...), une vie où je réalise à quel point ça peut être naze voire dangereux de faire des blagues à ce sujet... Une vie où je sais désormais que si je tombais amoureuse d’une personne séropositive je n’aurais pas peur (et clairement je n’aurais jamais pu dire ça il y a dix ans). Et surtout une vie avec Remi, car après ce café nous ne nous sommes plus quittés.  Voilà maintenant bientôt dix ans que nous sommes amis, et cette conversation autour du VIH ne s’est jamais arrêté : les changements de traitements, les hauts, les bas, le soulagement quand son médecin lui a fait tester un nouveau médicament qui ne le rendait plus malade, la satisfaction chaque année quand il apprend que ses examens sont tous bons, les gros connards qui lui font du mal, les grands amours qui illuminent son cœur…  Et puis il y a maintenant bientôt trois ans, Remi a décidé d’annoncer à quelques amis, dont moi, comment il avait attrapé ce virus. L’histoire on la connaissait, mais il y avait un “détail” qu’il  ne nous avait jamais dit : avec ce mec, il n’avait pas été consentant. Je me souviens avoir compris ce soir-là à quel point Remi devait se juger durement, au point d’avoir peur que même ses amis les plus proches puissent le juger. En tous cas Remi avait décidé à ce moment qu’il ne pouvait plus fonctionner ainsi, que ces tabous le rendaient trop malheureux, et qu’il fallait que tout ça sorte désormais. C’est pour ça qu’il voulait nous en parler, ça pouvait sembler tard, mais ce n’est jamais trop tard. Un an plus tard, il y a eu la déception amoureuse de trop, encore un abruti qui avait eu une réaction de merde quand Remi lui a parlé de sa séropositivité. Et cette goutte d’eau a enfin fait déborder cet énorme vase que portait Remi depuis des années. Et Remi a décidé d’écrire ce blog. Et en versant toute l’eau de ce vase sur Internet, il s’est libéré d’un énorme poids, mais je pense aussi qu’il a désaltéré beaucoup de personnes qui avaient besoin de lire ça, pour comprendre qu’elles ne sont pas seules, mais aussi pour comprendre ce qu’est la séropositivité.  Alors bravo, et merci Remi. Tu peux être fier de toi, moi en tous cas je le suis !

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